Page 29 - Cahier école de la SRF 4
P. 29
même chose que son voisin, où il n’y a même pas la place pour que toute l’équipe
du film soit présente. On en arrive à faire le mixage tout seul dans son coin dans une
petite boîte : ça n’a aucun intérêt. On ne fabrique plus un film mais un produit. Une grande
partie des bandes son tendent vers le formatage. Je n’entends presque plus d’indications
du style : « On cherche tel sentiment dans cette séquence ». À la limite, on me dit de mettre la
musique un peu moins fort. On a passé du temps à toutes les étapes de la post-production
à fabriquer un film qui va se finaliser au moment du mixage et on n’assiste même plus à
son accouchement ! Si la tête du bébé est un peu tordue, on la laisse comme ça.
Isabelle Manquillet
À mon sens, les techniciens de la post-production devraient déjà être présents dans les
réunions de pré-tournage. Ça ne se fait plus du tout et ça a des conséquences sur toute la
chaîne. Ces réunions doivent être ensuite réitérées après le tournage pour se mettre à
jour : effectivement, quand on a placé une caméra supplémentaire, le montage sera
beaucoup plus long, ce qui aura pour finir des répercussions sur le temps du montage son.
C’est bien d’y penser avant !
Et il faut remettre au goût du jour les séances de travail et de visionnage avec les
autres membres de l’équipe. J’ai travaillé comme assistante en montant les paroles des
films. J’avais un lien direct avec toute l’équipe montage. On travaillait ensemble, on
déjeunait ensemble. Si j’avais des questions, je pouvais les aborder tous les jours avec le
réalisateur ou le monteur. J’étais aussi liée à l’équipe du montage son : c’était extrêmement
intéressant de travailler les paroles avec les ambiances et les fonds. Ça permet de
comprendre comment on peut sauver des prises de son direct. En tant que monteuse
parole, le chef monteur était mon chef. C’est un lien qui s’est délité. Depuis que je suis moi-
même cheffe monteuse, j’ai vite compris que j’avais la responsabilité d’organiser des
séances de visionnage avec le monteur parole. Autrement, le risque existe de perdre des
éléments de mise en scène. Alors bien sûr, c’est compliqué d’organiser ces réunions : tout
le monde a des plannings extrêmement serrés. Mais il ne faut pas que ce soit perçu comme
des heures supplémentaires !
Une fois, dans une séance de visionnage, je me suis aperçue que certains éléments sonores
avaient disparu. Il s’agissait de petits morceaux de son qu’on met dans la copie de travail,
des éléments de son direct qui nous permettent de rythmer une séquence et d’enrichir le
direct. Comme ils n’y étaient plus, les sensations au visionnage n’étaient plus les mêmes,
mais il fallait y être très attentif pour en comprendre la raison. Une autre fois, on sortait
d’une séance et le réalisateur me dit, paniqué : « C’est pas possible, je ne ressens plus du tout
la même chose ! ». Ça venait du fait que les HF avaient été ultra nettoyés : les petites
respirations, les frottements, les contacts entre les personnages, tout cela avait disparu. Il
a fallu rallonger le montage parole d’au moins deux semaines ! C’est un travail de titan que
d’aller écouter ce qui a été perdu, de comparer avec la copie de travail... Bien sûr, c’est
nécessaire de nettoyer les HF, il y a énormément de choses à enlever. Mais c’est important
29