Page 26 - Cahier école de la SRF 4
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des pistes de travail que ma monteuse avait bordées auparavant. Cette dernière n’a jamais
                  assisté au montage son parce qu’elle n’était pas payée pour cela et que de toute façon, il
                  n’en avait jamais été question. Aujourd’hui, je ferais ça différemment, j’imposerais sa
                  présence.

                  Quand elle a assisté à la projection de fin de travail, elle s’est sentie totalement dépossédée.
                  Elle n’a pas du tout reconnu les pistes de travail qu’on avait élaborées ensemble. Je ne dis
                  pas que le travail du monteur son était mauvais, mais l’absence de transmission entre les
                  deux m’a beaucoup déstabilisée. J’ai eu l’impression de porter moi-même toute la
                  responsabilité de la post-production, et ce également vis-à-vis des producteurs
                  qui considéraient après le montage image qu’on était à la fin de la fabrication.
                  Aujourd’hui, j’impose la présence de ma monteuse image au montage son et au mixage,
                  comme une condition nécessaire du processus de création de mes films. Les préconisations
                  du  Livre  Blanc me  sont  ainsi  apparues  de  l’ordre  du  bon  sens  avant  d’être  d’ordre
                  économique.


                  Thomas, tu as toi une expérience assez différente de la post-production de ton premier
                  film. Est-ce que tu peux nous raconter comment ça s’est passé ?



                  Thomas Salvador
                  J’ai tourné mes premiers courts métrages en pellicule et sur l’un d’eux j’ai été confronté à
                  des difficultés de format et de vitesse. On a tourné en 16mm, monté en virtuel, sur Final
                  Cut, et j’ai découvert après coup qu’on avait tourné le film à 25 images par seconde alors
                  qu’il y a dedans beaucoup de musique, de danse et d’énergie. Quand j’ai découvert la copie
                  en 35mm au labo, le film était projeté à 24 images/seconde, ça n’était pas la bonne vitesse!
                  J’ai réalisé alors que ce film allait passer sa vie dans les salles ralenti de 4%, à l’exception
                  des quelques salles où il existe un variateur 24/25. J’ai compris par la suite que c’était
                  uniquement pour faire des économies qu’on avait monté sur Final Cut et non sur Avid. Il
                  se trouve que ce film a beaucoup tourné en festival. Et c’est pas une blague : à chaque fois
                  que le film a été projeté à la bonne vitesse, il a reçu un prix ! Les spectateurs riaient, ils
                  étaient pris dedans. Ralenti de 4%, on n’en avait plus que l’idée, l’énergie s’était perdue et
                  pour les spectateurs il devenait juste « intéressant ».

                  La post-production est l’étape de fabrication que je préfère. Au tournage, il y a pour moi
                  beaucoup de stress et peu d’espace pour penser. D’autant plus que j’ai du mal à préparer
                  en amont : je pense dans l’action quand je suis dans le décor avec l’équipe et la caméra. Il
                  n’y a pas de recul possible. Au tournage, on se retrouve souvent à jouer aux dés les
                  décisions importantes parce qu’on est pris par le temps. La post-production est un
                  moment où l’on peut enfin ralentir le jeu, se prendre deux heures, faire une sieste
                  sur le canapé. Il faut qu’on se rappelle le plaisir que c’est de penser le cinéma, un
                  plaisir qui se situe justement dans cet espace de la post-production. Bien sûr, il y a
                  des conditions de tournage plus confortables que d’autres : Spielberg regarde ses rushes




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