Page 28 - Cahier école de la SRF 4
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Mathilde Muyard
Sandy, tu as été formé à la Fémis. Tu es monteur parole et monteur son depuis une
quinzaine d’années. Ce que tu abordes là, c’est la question de la réduction des temps de
travail. Le phénomène de tuilage des plannings a des répercussions importantes sur le
montage du film.
Sandy Notarianni
On a souvent du mal à estimer le temps de montage. En général, il est décidé avant le
tournage alors que cela arrive de se retrouver avec deux fois plus de rushes que prévu.
Dernièrement, j’ai travaillé sur un film où ils ont décidé de mettre une deuxième caméra
juste avant le début du tournage. Ça demande presque deux fois plus de montage ! Au
son, on se retrouve coincé entre le montage image qui se prolonge souvent plus que prévu
et une date fixe de mixage. Cette date ne peut pas être déplacée parce que les auditoriums
sont réservés très à l’avance et que les mixeurs ne sont plus libres. On se retrouve avec
quatre semaines de montage son au lieu des huit prévues, mais avec deux monteurs son.
Du coup, on a la tête dans le guidon et on perd le recul nécessaire à la bonne fabrication
du film.
En temps normal, le réalisateur nous propose de nouvelles choses, on va rebondir
dessus, puis il va renchérir à son tour : c’est pour moi le plus important dans ce
métier. Il y a un échange avec le réalisateur, on est là pour être à son service tout en
proposant des choses. Bien entendu, je suis d’accord avec le fait que le monteur son devrait
être présent à différentes étapes de la post-production. Aujourd’hui, je suis obligé de
demander au producteur si je peux être présent au mixage. C’était impensable il y a cinq
ans et je trouve ça très inquiétant. Notre métier est un métier de partage et c’est justement
ce qui se perd.
Olivier Do Huu
Et c’est le film qui est mis en danger le premier. Un film se fabrique à plusieurs. Le mixage,
avant l’arrivée du numérique, c’était la messe ! C’était la première fois qu’on allait entendre
les choses tous ensemble. Dans une salle de montage 35mm, on entendait au maximum
3 pistes avec le bruit de moteur de la table de montage qui couvrait presque tout le reste.
Donc c’était au mixage qu’on découvrait réellement le son du film. Et rien n’était
automatisé : quand on enregistrait, notre geste était définitif. Le moment où on mixait sur
des consoles mécaniques, c’était un moment décisif. L’apprentissage mécanique du mixage
était aussi beaucoup plus long qu’aujourd’hui. Le problème du numérique, c’est qu’on a
maintenant trois cents pistes son : il n’y a plus de limites à ce qu’on peut écouter. Et on a
l’impression que le film est déjà fini lorsqu’il arrive au mixage. C’est faux !
Le cinéma, ça doit passer par le corps. Ça passe par le ventre avant d’arriver au cerveau.
Maintenant, on fabrique des trucs dans des petites salles où personne n’entend la
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