Page 23 - Cahier école de la SRF 4
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Quelles difficultés un jeune cinéaste peut-il rencontrer pour appréhender les
différentes étapes de l’après tournage? Quelles sont les évolutions spécifiques des
métiers de la post-production? Comment endiguer la satellisation de ces métiers
et la difficulté de « faire équipe »?
Alice Diop
Les États généraux de la post-production qui se sont tenus en 2018 ont mis à jour les
dégradations des conditions de travail. Suite à cela, il s’est constitué un groupe de travail
de cinéastes de la SRF et de techniciens représentatifs des différents corps de métier de la
post-production. Il s’agissait de réfléchir ensemble à des solutions pour endiguer cet état
de fait. Nous avons été frappés par l’absence de transmission de pratiques
professionnelles qui étaient encore majoritaires il y a vingt ans. Si ces pratiques
constituaient alors la norme, elles tendent aujourd’hui à disparaître.
Il nous a paru nécessaire d’écouter les différents professionnels parler de leur savoir-faire
afin de trouver la meilleure façon de les transmettre aux nouvelles générations.
Mathilde Muyard
Commençons par un retour en arrière, pour permettre aux plus jeunes de comprendre
l’évolution de la post-production. L’arrivée du numérique représente un tournant
historique qui a modifié nos pratiques en profondeur. Il a apporté quantité de choses
positives, comme par exemple l’ouverture de nouveaux champs créatifs, de nouvelles
possibilités d’expérimentation, le fait qu’on travaille avec des images et des sons de grande
qualité. Cependant, il y a un endroit où la mutation s’est mal opérée, c’est dans la
cohérence du travail en équipe.
Quelle était la composition d’une équipe de post-production, il y a vingt ans ? Au montage,
on était au minimum trois à être présents jusqu’au mixage : un chef monteur, un assistant
et un stagiaire. On travaillait dans des structures qui regroupaient des salles de montage,
des auditoriums et des laboratoires. Les monteurs son étaient souvent d’anciens assistants
monteurs. Tout le monde travaillait avec les mêmes outils et les mêmes tables de montage,
à proximité les uns des autres. La manipulation de la pellicule nécessitait certes du monde
mais en réalité, la cohésion d’équipe débordait le seul besoin technique. La présence au
mixage de l’assistant, du stagiaire et du monteur son allait de soi. Quand j’étais assistante
monteuse, j’étais présente à toutes les projections de travail, à l’enregistrement des post-
synchros et des bruitages, et au mixage. C’est comme ça que j’ai compris ce qui se jouait
dans ces différentes étapes de travail. C’est de cette façon que j’ai pu devenir monteuse
parole puis monteuse son et enfin cheffe monteuse. Je sais aujourd’hui pourquoi ma
présence au mixage a du sens.
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