Page 13 - Cahier école de la SRF 4
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Éric Judor
Les premières choses que j’ai écrites avec Ramzy, c’était vraiment un humour de petit
garçon qui fait chier les nanas dans la cour. Il y avait un truc de complicité entre copains
de fond de la classe. Le rapport est légèrement différent quand on crée un duo mixte, il y
a immédiatement une tension sexuelle. Dans La Tour Montparnasse infernale et dans notre
premier spectacle, on était des enfants asexués et c’est ce qui nous plaisait. On était des
petits garçons qui faisaient des bêtises et qui ne pensaient pas aux femmes. Si je ramène
une femme en guise de Ramzy, si je ramène une Ramzette, les rapports changent et ça
devient vachement moins enfantin puisqu’il va se passer de la séduction, des choses
d’adulte, et on va faire rire avec ces choses-là. C’est un domaine dans lequel je ne suis pas
forcément à l’aise.
Dans l’ouverture de La Tour Montparnasse infernale, on est sur un balcon et on crache sur
des gens, la scène dure environ sept minutes et c’est quasi un plan séquence. C’est ça qui
me faisait rire au montage : au début ils sont cons, c’est chiant, ça devient lourd et après
ça rentre dans quelque chose d’un peu gracieux, à force d’insister sur le débile. C’est un
truc qui me plait énormément même si c’est très risqué, évidemment.
Pierre Salvadori
Oui, la comédie c’est toujours un pari, on ne sait pas trop ce que ça va donner, à un
moment on essaye de se protéger, d’être sûr, mais il y a une part d’incertain. On ne sait
jamais, jusqu’au mercredi de la sortie.
Éric Judor
Quand on prend Philippe Katerine pour jouer le méchant et qu’on lui fait faire un long
texte avec un travelling avant qui va jusqu’à son trou de nez, c’est une sorte de jusqu’au-
boutisme comique. Pour moi, ça fait soudain une œuvre, qu’on déteste ou qu’on trouve
chiante et lente, mais en tout cas qui a une patte.
Pierre Salvadori
Ma limite est là. Je suis obsédé par l’idée de ne pas perdre les gens sans perdre aussi mon
projet initial.
Éric Judor
Tu dis que tu réfléchis toujours à la bascule, au moment où il faut couper. C’est une
question que je ne me pose absolument pas. Quand j’écris, quand je joue et quand je
monte, je ne pense qu’à moi, je pense uniquement à ce qui me fait rire. Et une fois
que c’est fait, que c’est scellé, que c’est monté, qu’on a envoyé les trucs et qu’on ne peut
plus les bouger, je fais : « Oh putain, la vache, merde ! C’est peut-être trop long ».
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