Page 18 - Cahier école de la SRF 4
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Les frères Farrelly sont des génies comiques, mais aussi des pointures dans le gag pur. Et
c’est là qu’ils rejoignent Peter Sellers dans The Party, qui est un véritable numéro
d’équilibriste.
Pierre Salvadori
Les frères Farrelly sont drôles et très efficaces, mais aussi très subversifs, ils portent en eux
quelque chose de poétique et de vénéneux. Il y a toujours des monstres dans leurs films,
des mecs que tout le monde déteste, et eux ils les représentent comme des héros. Il y a
quelque chose de perturbant qui fait que j’aime encore plus. Et ce n’est pas du tout
innocent, ils ont un mauvais esprit. Au-delà de l’efficacité comique, il y a dans leurs films
quelque chose de dérangeant qui me séduit beaucoup.
Catherine Corsini
Éric, quand tu convoques Monica Bellucci ou encore Clotilde Courau, tu écris à chaque
fois pour elles ? Comment se passe la direction d’acteurs ?
Éric Judor
Oui, pour elles. C’est d’abord savoir danser avec l’autre. Chaque partenaire de jeu et chaque
acteur a son caractère, son attitude, et il faut savoir composer avec ça, trouver la manière
de toucher sa personne derrière son personnage. Dès qu’on a trouvé le contact, il faut
essayer de l’emmener vers l’endroit où on veut l’emmener. J’aime bien essayer de créer
l’accident. Une fois que la musique est là – parce que parfois on écrit des textes qu’on
trouve hilarants, mais dès que c’est prononcé, que les mots sortent, la magie ne fonctionne
pas, donc il faut le réécrire – mais une fois que ça marche, je fais deux-trois prises comme
ça et ensuite j’essaie de provoquer l’accident en permanence. En changeant le texte par
exemple, en inversant les mots, en l’emmenant ailleurs, tout en sachant où je veux
l’emmener, puisque Platane est très écrit. Il faut que chaque situation nous amène à une
autre situation jusqu’à la fin, donc il faut toujours que je retombe sur mes pieds.
Pierre Salvadori
Plus c’est cerné, plus c’est écrit, plus on peut inventer à l’intérieur. Sur mon dernier film, je
n’ai pas arrêté de faire ça. Je me suis rendu compte que j’intervenais de façon permanente
et presque violente pendant la prise en disant : « Fais ci. Fais ça. Essaie d’aller vers ça... », et
c’était merveilleux. Je me suis rendu compte que plus le récit était cadré, plus la
situation était bordée, plus on pouvait inventer pendant la prise et donner une
place immense aux comédiens. Auteuil me demandait tout le temps de lui mimer les
scènes, de lui jouer. J’avais l’impression que ça pouvait réduire son champ mais il me disait:
« Tu peux me montrer et border le truc à mort, mais entre “action ” et “coupez” s’ouvre un espace
incroyable ». C’est le miracle des acteurs doués. Ils font exactement ce que vous voulez…
mais différemment et dix fois mieux.
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