Page 8 - Cahier école de la SRF 4
P. 8
vraiment l’expérience qu’on acquiert qui apporte la perfection ou, en tout cas, qui fait qu’on
s’en approche. La comédie c’est une musique assez précise, donc quand c’est dissonant...
Il y a un truc un peu mathématique dans l’écriture, il y a des petites règles dont on doit
parfois s’affranchir pour créer quelque chose de vraiment différent. Mais, en tout cas, il y
a des règles que l’on doit connaître.
Pierre Salvadori
On écrit une comédie parce qu’on est obsédé par l’idée de toucher des gens. Toucher
ça ne veut pas dire forcément émouvoir. Je cherche à satisfaire et à émouvoir, mais à
émouvoir au sens le plus large du terme, à provoquer une émotion, un plaisir presque
physique chez le spectateur. C’est aussi la beauté du genre, ce rapport physique au film, le
frisson, les larmes, le rire.
Axelle Ropert
Éric, tu as démarré avec ce personnage d’enfant gogol inventé dans les années 90, qui est
unique dans le cinéma français. À quel moment as-tu senti que ce personnage était pour
toi ? Comment l’as-tu travaillé ? Comment l’as-tu fait progresser ? Et comment, quand on
est absolument intelligent et analytique dans le travail, arrive-t-on à jouer l’idiotie ?
Éric Judor
C’est un rôle qui m’a toujours fasciné. L’idiot du village m’a toujours fait rire. Mes références
comiques au départ sont celles des films muets en noir et blanc, où le trait est très grossi,
Harold Lloyd totalement à côté de la plaque, Buster Keaton pareil. Rares sont les malins
qui sont drôles, ils sont toujours plus idiots que la masse et se croient plus intelligents.
C’est avec les défauts qu’on fait rire et celui qui en a le plus, c’est l’idiot du village.
Ce que j’aime par-dessus tout chez l’idiot, c’est sa pureté : il est absolument sincère
dans ce qu’il va entreprendre, dans ce qu’il va décider de faire.
Axelle Ropert
Vous avez en commun le goût de l’innocence. Vous ne faites pas du tout un cinéma ou un
comique qui est travaillé par le cynisme, par la méchanceté. C’est rare aujourd’hui, c’est
très précieux.
Pierre Salvadori
Je déteste les réalisateurs qui se moquent de leurs personnages. Ou de leur propre genre.
Qui prennent le genre avec des pincettes, au second degré, pour ne pas se salir. Comme si
on ne pouvait aborder la comédie qu’en se moquant d’elle. J’adore l’innocence au cinéma,
le récit au premier degré. J’aime beaucoup l’idée de la scène pure, physique, du malentendu,
de la gêne, de la mauvaise foi.
8