Page 58 - Cahier école de la SRF 4
P. 58

Bertrand Bonello
                  Pareil, je n’ai pas trop cette culture. Ça m’intéresse quand c’est Vincente Minnelli parce
                  que ses films sont tellement fous, la mise en scène est tellement dingue. Même Jacques
                  Demy, j’ai mis beaucoup de temps à pouvoir regarder.



                  Baptiste Etchegaray
                  Est-ce que la chanson française fait partie des musiques que vous écoutez ? Yann, tu as
                  utilisé une chanson de Jeanne Moreau dans ton dernier film, Un Couteau dans le cœur.



                  Yann Gonzalez
                  C’est un morceau qui venait d’un de mes films préférés : Absences répétées, de Guy Gilles.
                  C’est donc plus une citation de ce film et de cet amour impossible entre Guy Gilles et
                  Jeanne Moreau. Guy Gilles a d’ailleurs tenté de se suicider après son histoire avec Jeanne
                  Moreau. C’est plus une évocation de l’empreinte de ce film que de Jeanne Moreau elle-
                  même. J’écoute très peu de chansons françaises.



                  Bertrand Bonello
                  Je n’ai pas tellement cette culture non plus. Mes parents n’en écoutaient pas du tout. Chez
                  moi, c’était que du rock ou de la musique classique.


                  Baptiste Etchegaray
                  On va convoquer justement deux compositeurs français : un de la fin du 19 ème  - 20 ème siècle,
                  Gabriel Fauré et un du 17 ème  siècle, Jean-Baptiste Lully. Tu as choisi le premier, Yann, dans
                  son Requiem qui ouvre Corps à cœur de Paul Vecchiali en 1978. « Le plus beau générique
                  en musique » as-tu dit. Et puis Lully, c’est pour la toute fin de Pickpocket de Robert
                  Bresson,  film  de  1959.  C’est  une  séquence  qui  t’émeut  beaucoup,  Bertrand,  et  je  cite
                  « Comment en une phrase, en une seconde, on revisite le film qu’on vient de voir ».



                  Yann Gonzalez
                  Je sens tout l’amour de Paul Vecchiali pour ses acteurs. Un film qui, dès l’entame, dessine
                  la trajectoire narrative et amoureuse de ses personnages, c’est hyper osé. Dès le premier
                  mouvement de caméra, on part de cet homme et on va jusqu’à cette femme, tout le film
                  va raconter cette histoire d’amour. Le faire avec un requiem, cela donne tout de suite la
                  dimension évidemment tragique de l’histoire. En même temps, il y a tous ces visages qui
                  vont traverser ce mouvement de caméra. Ils sont regardés avec passion, avec tendresse.
                  Et enfin, il y a cette convention du cinéma de présenter des acteurs au fil de la musique,
                  de mettre le nom des acteurs quand ils apparaissent à l’écran. C’est très simple, c’est très
                  fort, cela me touche énormément.


         58
   53   54   55   56   57   58   59   60   61   62   63