Page 53 - Cahier école de la SRF 4
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Dès les débuts du cinéma, à l’époque du film muet, la musique a joué un rôle
                  prépondérant dans les œuvres audiovisuelles. Créatrice d’émotion, de rythme
                  mais aussi moyen de mise en scène, elle est désormais devenue incontournable.
                  Comment celle-ci est-elle construite et à quel moment de la conception du film ?
                  De quelle manière la musique permet-elle de modeler l’atmosphère d’une œuvre
                  et comment l’appréhender ?




                  Bertrand Bonello
                  Je suis musicien à la base, pas compositeur mais interprète. J’ai fait beaucoup de piano.
                  Quand  j’étais  adolescent,  je  rêvais  d’être  chef  d’orchestre.  Et  puis  vers  13-14  ans,  j’ai
                  découvert le punk-rock et j’ai quitté la musique classique. J’ai aussi longtemps été ce qu’on
                  appelle « musicien de studio » : j’accompagnais des gens à droite à gauche. J’ai fait une
                  bascule vers le cinéma parce que, quand j’ai eu 25 ans, j’ai eu peur de m’ennuyer. Je suis
                  donc arrivé au cinéma tardivement, sans rien y connaître mais avec un bagage musical
                  assez costaud. Aujourd’hui la musique, je ne la fais plus que pour mes films. Je ne me
                  considère plus que comme cinéaste. La musique m’est vraiment venue très tôt, j’ai su lire
                  les notes avant même de savoir lire les lettres par exemple.

                  J’ai toujours considéré le montage comme une partition musicale, bien plus que
                  comme une partition narrative. La musicalité est importante dans ma manière de
                  fabriquer, de diriger les acteurs. Souvent, je dirige sans regarder, j’écoute. Il y a quelque
                  chose de plus instinctif pour moi en passant par la musique. J’essaie de savoir quel est le
                  son d’un film. Est-ce qu’une scène est bruyante par exemple ? Je dis beaucoup les dialogues
                  à haute voix.

                  Le dialogue entre un réalisateur et un musicien est très compliqué. On peut décrire une
                  image, mais c’est très difficile de décrire un son. Quand on travaille avec un scénariste,
                  c’est assez facile, on décrit les choses. Dans la musique, il y a quelque chose de très abstrait.
                  J’ai cette chance de ne pas avoir à engager ce dialogue. Quand j’écris une scène et que je
                  sens qu’elle a besoin de musique, je vais dans mon petit studio et je commence déjà à
                  sortir un peu des sons. Logiquement donc, quand le scénario est fini, la musique est finie
                  aussi. Tout est prêt.



                  Baptiste Etchegaray
                  Yann, contrairement à Bertrand, ce n’est pas toi qui composes la musique de tes films,
                  mais c’est quelqu’un qui est quand même très proche de toi, puisque c’est ton frère,
                  Anthony Gonzalez de M83.




                  Yann Gonzalez
                  Oui, on a la chance d’avoir grandi ensemble, on a traversé beaucoup de choses ensemble,
                  on a beaucoup de références en commun, on se comprend vite. C’est toujours très difficile


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