Page 40 - Cahier école de la SRF 4
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Yann Gonzalez
                  Vous avez choisi de programmer The Thing au Carrosse d’Or du Festival de Cannes ce
                  matin. Pouvez-vous nous expliquer les raisons de ce choix ?



                  John Carpenter
                  The Thing est sorti en 1982 et a fait l’effet d’une bombe dans le mauvais sens du terme :
                  tout le monde l’a détesté, y compris mes fans. Je n’ai jamais compris pourquoi. Quoi qu’il
                  en soit, j’ai pensé que ça lui ferait une belle revanche que d’être projeté à Cannes !


                  Katell Quillévéré
                  Ce film est tourné en studio. Est-ce que travailler dans un grand studio faisait partie de
                  vos rêves de jeune cinéphile sortant d’une école de cinéma américaine ?



                  John Carpenter
                  Oui, bien sûr. Je rêvais de devenir réalisateur et de pouvoir en vivre. Or à l’époque, tout
                  passait par les studios. J’avais donc l’ambition de travailler dans un grand studio et ça m’a
                  beaucoup plu.


                  Katell Quillévéré
                  Est-ce que passer d’une réalisation indépendante à une réalisation en studio, comme ce
                  fut le cas à partir d’Halloween, vous a donné l’impression de porter une plus grande
                  responsabilité ?



                  John Carpenter
                  Figurez-vous qu’à l’époque, je n’avais pas la moindre idée qu’Halloween était un succès. Les
                  films sortaient d’abord à Los Angeles puis les copies voyageaient de ville en ville. Il fallait
                  attendre la réaction de chaque ville. À Los Angeles, le film a été mal reçu. La critique a
                  trouvé que c’était un navet et que je ne savais pas diriger les acteurs. Je n’ai su que par la
                  suite que quelqu’un avait rédigé une critique positive à New York, donnant au film une
                  seconde naissance. Mais le directeur du studio m’avait invité à dîner et ça m’avait mis la
                  puce à l’oreille : je m’étais dit que si lui m’invitait, ça n’était sans doute pas parce que ma
                  tête lui revenait mais parce qu’il me considérait comme un cinéaste rentable ! J’avais dû
                  leur rapporter de l’argent. Tant mieux ! Ça ne m’a pas mis la pression pour autant : c’était
                  une opportunité et je l’ai saisie.


                  Yann Gonzalez
                  Vous vous êtes toujours intéressé aux hors-la-loi, aux laissés pour compte : vous considérez
                  vous vous-même comme un dissident, au sein des studios ?


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