Page 36 - Cahier école de la SRF 4
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Olivier Do Huu
                  Mais  parce  que  cette  idée  de  la  co-construction  n’est  plus  vendue  par  personne !
                  Aujourd’hui, trop de gens soutiennent que si le réalisateur n’est pas là, ça ira plus vite. Ce
                  n’est pas vrai ! Ça ira peut-être plus vite mais beaucoup moins loin. C’est comme si
                  on donnait une partition à un orchestre : tout le monde joue juste et en rythme
                  mais il ne se passe rien. Il manque le chef d’orchestre.



                  Pascale Ferran
                  Le phénomène est amplifié aujourd’hui par le fait que de nombreux réalisateurs se lancent
                  dans un premier long métrage sans avoir réalisé de court avant. Cela concerne en premier
                  lieu des gens connus pour une autre activité et pour qui ça peut être assez facile de se
                  faire financer un film alors qu’ils n’avaient pas vocation à être cinéastes, même si certains
                  le deviendront grâce à cette expérience. Simplement, ils n’ont pas appris à maîtriser chaque
                  note potentielle du clavier, ils ne connaissent pas les outils de fabrication et peuvent avoir
                  peur de certains aspects techniques.

                  Pour avoir une chance que le travail d’équipe avec chaque collaborateur se passe au mieux,
                  je n’aurais qu’un conseil à donner : ne laissez jamais le directeur de production faire
                  un premier devis sans avoir parlé longuement avec lui des temps de préparation du
                  film comme de ses temps de post-production. C’est un des endroits où le différentiel
                  est le plus important entre un court et un long métrage. Le bruitage et le mixage y
                  prennent une place plus importante, les temps de montage image et son sont multipliés.
                  Or  ce  sont  presque  systématiquement  des  temps  sous  estimés  par  le  directeur  de
                  production qui connaît mieux l’étape de tournage que celles de la post-production. Pour
                  ma part, j’ai pu expérimenter des temps de tournage extrêmement variés d’un film à
                  l’autre. Ça va de quatre semaines pour mon deuxième film à dix-sept semaines pour Lady
                  Chatterley, ou à dix jours pour un épisode de cinquante minutes du Bureau des Légendes. En
                  fonction du film, de l’objet à fabriquer, du dispositif qu’on a inventé, on peut avoir
                  des temps de tournage assez variés tout en restant cohérent avec ce qu’on cherche
                  à raconter, alors que la marge de manœuvre est beaucoup plus restreinte sur les
                  temps de post-production.

                  En ce qui me concerne, je sais que j’ai besoin de temps longs pour ces étapes de travail
                  parce que je connais l’incroyable gain pour le film qu’elles produisent. Ça ne se négocie
                  donc pas tellement, c’est une donnée. Au bout d’un moment, on connaît son propre
                  rapport à la mise en scène. Si on n’anticipe pas cela dès les premières discussions avec le
                  directeur de production, on fait prendre au film des risques considérables. La mise en
                  scène, ce n’est pas exclusivement le tournage. C’est une addition invraisemblable
                  d’interventions très variées, du début de l’écriture du film à la copie finale. Et toutes
                  nous regardent.


                             Propos échangés le 17 juin 2019 au cinéma Beau Regard, Paris.
                                                Durée : 120 minutes

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