Page 35 - Cahier école de la SRF 4
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Thomas Salvador
                  Ça n’est pas seulement le fait d’en être dépossédé mais aussi celui d’avoir la possibilité d’y
                  contribuer jusqu’au bout. Le cinéma, c’est le regard, le cinéma, c’est être spectateur.
                  Certains cinéastes n’y connaissent rien en technique mais sont capables de faire des choix
                  devant un son, devant un raccord ou devant un effet spécial. Parfois, j’entends dire qu’on
                  est en train de « pinailler ». Mais on ne pinaille jamais ! Tout ce qui est gagné est gagné. Et
                  même quand c’est gagné, si je n’ai pas eu l’impression d’avoir tout fait pour que ce soit
                  encore un peu mieux, je ne suis pas heureux ! Cela vaut pour toutes les étapes de travail.


                  Je me souviendrai toujours du plaisir que j’ai eu à échanger avec les bruiteurs pour mon
                  premier film. Je savais qu’il y avait beaucoup à faire mais je ne savais pas trop comment ça
                  se passerait. J’ai tout de suite vu ce que vous alliez m’apporter par vos questions et votre
                  regard sur le film. Essayer différents métaux pour chercher la bonne texture de son... C’était
                  passionnant  de  voir  le  film  se  préciser  et  son  personnage  avec.  La  manière  dont  le
                  personnage fait bouger une échelle métallique à l’image et au son, ça change sa nature.
                  Il faut aller jusqu’au bout à toutes les étapes du film. Chaque endroit produit ses
                  effets. Il s’agit d’un réel gain de qualité et non de pinaillage ! Ce plaisir du réalisateur
                  se transmet au technicien afin qu’il ne se contente pas de bruiter la porte qui
                  s’ouvre ou qui se ferme.



                  Olivier Do Huu
                  L’échange enrichit le film. C’est ce qui fait qu’il emprunte une direction qu’on n’avait
                  pas prévue. De film en film, le réalisateur acquiert une culture du métier qui lui
                  permet d’anticiper le temps que ça prend. S’il y a une séquence de boîte de nuit, on va
                  d’abord y mettre une ambiance sonore pour savoir si on peut y inscrire le dialogue. On ne
                  va pas commencer par un pré-mix de paroles dans le vide ! Ce serait absurde.



                  Isabelle Manquillet
                  J’ai accompagné plusieurs réalisateurs sur des premiers longs métrages et j’ai constaté que
                  ce n’était pas une question d’argent mais d’organisation. Quand un réalisateur est bien
                  accompagné sur son premier film, il ne fera pas le deuxième de la même manière. Il saura
                  qu’il a besoin de telle ou telle chose ou de tel temps à telle étape de la fabrication et moins
                  à une autre. C’est ça qui importe. Il y a une méconnaissance des métiers et un défaut
                  d’accompagnement. Ça compte d’être bien accompagné par ses techniciens. Il faut
                  échanger avec eux en amont. Je rejoins ce que tu dis, Olivier, il faut aller à toutes les étapes
                  de la post-production pour se rendre compte de ce dont on a besoin.



                  Alice Diop
                  Ça me paraît aberrant qu’un jeune réalisateur rechigne à aller au montage son et au
                  mixage. Qu’il ne soit pas bien accompagné par son monteur, ça je le conçois, mais ça ne
                  vient pas de lui. Comment vous expliquez cela ?


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