Page 20 - Cahier école de la SRF 4
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The Big Bang Theory, ça passe sur une chaîne nationale qui est obligée de ratisser large. Les
                  quinze auteurs qui écrivent les épisodes cherchent des thèmes qui doivent toucher aussi
                  bien le fermier du Kansas que l’avocate de New-York. Ce sont des bulldozers les auteurs
                  américains, ils ont tous une expérience dix fois plus grande que la plupart des scénaristes
                  de  comédie  en  France,  ils  vont  te  faire  un  épisode  où  ils  sauront  toucher  toutes  les
                  catégories sociales. Nous on a un truc bien plus artisanal et du coup bien plus sincère et
                  honnête. Je pense qu’il y a des comédies - comme celles que fait Pierre, comme la dernière,
                  En Liberté ! - dans lesquelles il y des trucs absolument nouveaux, totalement personnels et
                  pas réfléchis pour toucher une cible ou un Etat, ce qui n’existe pas dans The Big Bang Theory.
                  Il n’y a pas un auteur comique dans ce pool d’auteurs, il n’y a que des techniciens de la
                  vanne, comme dans Les Simpson aujourd’hui. Les Simpson, au départ, c’était absolument
                  fantastique. Et puis tous les auteurs des late shows sont passés par là, ils entrent dans une
                  charte d’écriture où il y a une grille, où il faut toucher telle personne à telle minute ou ne
                  pas aborder tel sujet parce que si on le traite comme ça, il faut traiter ensuite l’opposé. Ce
                  sont des chartes mécaniques, mathématiques où il n’y a plus aucune grâce.

                  Quand on fait, dans une conversation, une vanne de cul ou de caca prout, c’est le degré le
                  plus bas de l’écriture. On part de ça et ensuite, on intellectualise, on devient un peu plus
                  cérébral, sophistiqué. Et plus on devient sophistiqué, plus l’air se fait rare, et moins il y a de
                  spectateurs en même temps. Mais au niveau caca prout, c’est là que tu rassembles au
                  maximum.



                  Pierre Salvadori
                  Pour la scène du braquage dans En liberté !, je m’étais inspiré d’une scène dans Broadway
                  Danny Rose, de Woody Allen. Quand Mia Farrow et Woody Allen sont poursuivis et se
                  cachent dans un garage. Il y a un mec qui leur tire dessus. À côté d’eux il y a un camion
                  dans lequel il y a de l’hélium et l’impact libère le gaz. Ils sont terrorisés mais quand ils
                  parlent leur voix est distordue. C’est donc une situation hyper tragique mais la voix qui
                  sort est ridicule. Pour moi c’est de la comédie pure, c’est la définition même de la comédie.
                  Je me rappelle m’être dit en le voyant que c’était une représentation parfaite de la comédie.
                  Pour moi, la comédie, c’est ça. C’est l’hélium. Ça distord le réel et ça le rend hilarant.
                  Et j’ai l’impression que, sans l’avoir fait exprès, je n’arrête pas de décliner ça. Dans Les
                  Apprentis par exemple, il y a une scène où les personnages sont obligés de se cacher dans
                  un carton de déménagement. Là, ils se confient sur des choses assez sombres. Je tenais à
                  ce dialogue mais je savais que le carton le ferait passer. Le carton autorisait tout, même
                  un dialogue un peu linéaire et informatif. Le carton c’est l’hélium. La comédie c’est l’hélium.






                            Propos échangés le 14 octobre 2019 au cinéma Beau Regard, Paris.
                                                Durée : 120 minutes



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