Page 49 - Cahier école de la SRF 4
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pas d’où ça me vient précisément, sans doute de mon éducation et du contexte
dans lequel j’ai grandi. En même temps, faire de l’horreur pour faire de l’horreur, c’est
vite ennuyeux. C’est mieux quand le film propose un autre niveau de lecture même s’il faut
se méfier de ce que ça peut donner. Il y a quelques années, au moment de l’élection de
Donald Trump, il y a eu tout un débat délirant sur internet où des néo-nazis essayaient de
récupérer mon film Invasion Los Angeles. Ils soutenaient que les extra-terrestres y
représentaient les juifs. J’ai rectifié en disant que c’était n’importe quoi, que j’avais fait un
film sur le capitalisme. Ils ne m’ont pas cru ! Ils ont continué à m’expliquer mon propre
film! Ça, c’est très inquiétant. Vu l’état du monde et de l’Amérique aujourd’hui, c’est peut-
être mieux si je ne fais plus de films politiques.
Yann Gonzalez
Dans ce contexte-là, qu’est-ce qui vous donne le plus d’espoir aujourd’hui ?
John Carpenter
L’espoir pour moi, c’est les gens. Je pense que l’être humain est fondamentalement bon.
J’ai de l’espoir quand je rencontre de nouvelles personnes, quand je vous rencontre, vous,
jeunes cinéastes. Cette discussion avec vous et le public qui nous écoute me donne de
l’espoir. Que vous soyez curieux de l’autre et du cinéma et que vous vous intéressiez à
autre chose qu’à votre nombril, cela me réconforte et me donne de l’espoir. L’époque
Trump finira par passer et nous aurons des lendemains meilleurs. Ce qui me désespère,
c’est Bachar El Assad en Syrie visant des enfants avec des armes chimiques. Pour ne pas
trop désespérer, il vaut mieux reporter son regard ailleurs. Vers la France, par exemple.
Katell Quillévéré
À un moment de votre carrière, avez-vous cessé d’être le réalisateur que vous rêviez d’être
pour devenir simplement celui que vous étiez ?
John Carpenter
Oui !
Katell Quillévéré
Et quel cinéaste rêviez-vous d’être ?
John Carpenter
C’est une question trop personnelle ! En tout cas, c’est beaucoup plus fun d’être soi-même.
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