Page 64 - Cahier école de la SRF 4
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Yann Gonzalez
J’ai du mal avec cette idée de musique comme personnage. Elle est là pour rendre les
personnages plus forts, plus complexes, créer du trouble aussi. Ce qui me plaît, c’est
l’espèce de hiatus entre un personnage et une musique, quand elle n’est pas illustrative
et qu’elle raconte autre chose que ce que le personnage est en train de vivre. À ce
moment-là, il y a une troisième chose qui se produit à l’écran et qui est souvent
mystérieuse. C’est ce mystère qui m’intéresse, qui est produit par la musique et par
l’équation entre la musique et le personnage.
Question du public
Une fois que le choix de la musique est fait, est-ce qu’il n’y a pas ensuite un travail de mise
en scène, peut-être plus technique, dans la manière dont elle est utilisée pour traduire
l’espace, ou pour parler d’espace ? Comment vous travaillez techniquement pour écrire
les scènes sur la musique ?
Yann Gonzalez
C’est assez intuitif. C’est effectivement la musique qui induit, qui guide la mise en scène,
qui m’aide à découper quand je l’écoute. C’est ce rapport organique avec la musique qui
provoque des images, des plans et du montage. Tout ça ne doit faire qu’un au final.
Bertrand Bonello
Il y a aussi un truc fondamental, c’est le mixage. C’est bien beau la musique mais
lui trouver sa place dans l’espace sonore c’est assez compliqué. Avec une bonne
musique, on peut flinguer une bonne scène si elle l’écrase par exemple. Justement
quand il y a des gens qui écoutent de la musique ou qui sont en boîte de nuit, moi si je ne
sens pas le direct, le vêtement qui bouge, je me dis que c’est un clip et je ne regarde même
plus les images. Donc la mise en espace est assez complexe aussi. C’est dans ce sens-là
aussi que je disais qu’il fallait faire attention à la séduction de la musique.
Propos échangés le 17 décembre 2018 au cinéma Beau Regard, Paris.
Durée : 120 minutes
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