La tentation de la censure, ou le jeu de l’obscurantisme

Communiqué de presse
19/01/2015

La Société des réalisateurs de films est extrêmement choquée de découvrir que le Maire UMP de Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne), Jacques-Alain Bénisti avait décidé de déprogrammer du cinéma de sa commune le film Timbuktu d'Abderrahmane Sissako sans l’avoir vu, argumentant sur une peur que le film « ne fasse l'apologie du terrorisme ».

Présenté en Compétition officielle au dernier Festival de Cannes, nominé aux Oscars du meilleur film étranger, encensé par la presse, Timbuktu narre la violente incursion de l’extrémisme religieux dans une ville du Nord Mali, et la terreur subie par ses habitants, qui vivaient jusqu’alors dans les valeurs de paix, de partage et de dignité de la religion musulmane. Le film a été unanimement reconnu comme une ode à la tolérance et à la résistance à l’obscurantisme.

Après avoir été vilipendé et moqué sur les réseaux sociaux, par ceux qui – eux – avaient vu le film, le Maire s’est finalement rétracté en acceptant de le reproposer au public « dans une quinzaine de jours », tout en indiquant qu'il allait le visionner d’ici-là avec des membres du conseil municipal.

Et après, quoi ?!
Si ce film, ou un autre, a le malheur de déplaire à ce maire (ou un autre), si celui-ci pense qu'il risque de heurter des musulmans qui vivent dans sa ville, ou des juifs, des catholiques, des jeunes, des vieux... va t'il le déprogrammer ? En dehors de la Commission de classification des films du CNC, va t’on instaurer des comités de censure dans toutes les villes de France et décider de ce que le bon peuple aurait ou non le droit de voir ? Si l'époque était à la rigolade, on rirait de bon cœur devant l'outrecuidance de ce maire, mais la période ne prêtant guère à rire, c'est la consternation qui l'emporte.

Aussi, aujourd'hui, nous dénonçons une nouvelle fois et avec force le danger pour la démocratie que représente la « tentation » de la censure. La censure ne peut en aucun à être une réponse à l'aveuglement et à la terreur. C'est faire le jeu des obscurantistes que d'y avoir recours. L'affaire Bénisti  en est un exemple angoissant et ironique : au prétexte de contrer l'Islamisme radical, le maire de Villiers-sur-Marne interdit un  film populaire et bouleversant qui le dénonce avec une immense force poétique. Aujourd’hui, plus que jamais, nous avons besoin de la vision complexe et nuancée d'œuvres de l'esprit qui, comme Timbuktu, nous aident à penser notre monde et notre époque. Multiplier les points de vue, s’ouvrir à la réalité du monde est l’objet même de la culture. C’est également, nous le savons, le meilleur rempart contre la haine.

La SRF sera donc plus vigilante que jamais, en ces temps troublés, pour que ni l'État, qui se doit de donner l'exemple, ni aucun groupe de pression ne profitent de la situation pour faire régresser nos libertés fondamentales, que ce soit en invoquant la « menace terroriste » ou le « communautarisme ».

Le Conseil d’administration de la SRF :
Stéphane Brizé, Laurent Cantet, Malik Chibane, Catherine Corsini, Frédéric Farrucci, Pascale Ferran, Denis Gheerbrant, Esther Hoffenberg, Cédric Klapisch, Héléna Klotz, Olivier Lévêque, Sébastien Lifshitz, Anna Novion, Katell Quillévéré, Christophe Ruggia, Pierre Salvadori, Céline Sciamma et Jan Sitta.


La Société des réalisateurs de films
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