Réunis à Cannes au théâtre Croisette de la Quinzaine des réalisateurs, 450 cinéastes, professionnels et spectateurs ont assisté la session inaugurale de l’Assemblée des cinéastes présidée par Costa-Gavras.
Édouard WAINTROP, délégué général de la Quinzaine des réalisateurs, et Chantal RICHARD, coprésidente de la Société des réalisateurs de films, ont exprimé leur plaisir de voir se réaliser leur souhait que le Festival de Cannes soit aussi le Festival des cinéastes et remercié les autres sélections du Festival, le CNC, le programme Média et le Parlement européen d’avoir soutenu ce projet.
Animée par Jérôme BARON, directeur du Festival des 3 continents, cette première session de l’Assemblée des cinéastes était organisée autour de la question « Comment faire des films indépendants aujourd’hui ? ». Massoumeh Lahidji, interprète de la Quinzaine des Réalisateurs, a permis les échanges des réalisateurs du monde entier.
Pour Raoul PECK, « la véritable indépendance est celle que nous avons dans la tête quelque soit le pays ou le moment où l’on crée. L’indépendance est toujours une forme de tension. »
COSTA-GAVRAS rappelle la chance des cinéastes français : depuis la Libération, tous les gouvernements successifs ont fait le choix d’un système de soutien qui permet simplement d’avoir un cinéma national libre et diversifié. Les dernières formes de censure de l’Etat remontent aux années 60. « Il existe pourtant un bémol, car les cinéastes peuvent se demander s’ils vont obtenir des financements privés comme ceux des télévisions… L’autocensure est le pire ennemi du cinéaste ! »
Pour Joachim TRIER aussi, « l’indépendance c’est assez simple : il ne faut pas accepter que vos idées soient affectées par le projet financier. Il y a de l’argent qui est bon à prendre et un autre qui peut vous brûler les doigts. Les financeurs doivent accepter d’accompagner nos doutes de cinéastes et la part de flou qui est inséparable du désir du film. En Norvège, le soutien à un cinéma un peu personnel ne date que d’une quinzaine d’années. »
En Inde, Anurag KASHYAP se décrit comme étant un cinéaste de toute manière indépendant dans un système restrictif. « J’ai choisi de poser ma caméra dans la rue, d’y trouver parfois les acteurs et de filmer comme cela. Je suis resté libre avec très peu d’argent ! C’est la contrainte qui m’a permis de trouver les solutions de ma liberté. Pour mon premier film, l’exploitation était impossible en Inde : je suis allé montrer mon film à l’extérieur et j’ai rencontré la diaspora indienne mais aussi prouvé à mon distributeur que j’avais un public à l’étranger. Ce qui limite la liberté c’est d’accepter les logiques existantes, il suffit de les contourner ! »
Au Mexique, pour Amat ESCALANTE, « l’indépendance est nulle part et partout d’une certaine manière. Je n’ai fait que 3 films mais j’ai dû me battre car mes films étaient jugés trop « trash ». Nous avons un système basé sur des entreprises qui peuvent financer directement des films à hauteur de 10 % des taxes dues à l’Etat. Cela permet d’avoir 70 à 100 films par an. Cela a financé en partie mes derniers films, et j’ai complété avec des aides françaises ou allemandes. Pour réunir les moyens du film avec lequel je suis ici à Cannes, il a fallu 5 ans et de nombreuses écritures. Je me suis demandé à quel point cela a pu m’influencer mais je me considère comme un cinéaste libre. »
COSTA-GAVRAS souhaite alerter l’Assemblée sur les dangers qui aujourd’hui menacent les principes de l’exception culturelle : « L’exception culturelle, c’est l’idée que chaque pays doit pouvoir promouvoir sa propre culture. Aujourd’hui, dans les accords de libre échange entre l’Europe et les Etats Unis, on voudrait que le cinéma soit comme des voitures ou du blé. C’est très dangereux car cela conduirait à une uniformité du cinéma, on n’aurait plus que des films commerciaux ! Nos systèmes d’aide sont enviés par tous les cinéastes du monde car ils soutiennent justement les cinématographies du monde par le jeu des coproductions. »
Chantal RICHARD a donné lecture à l’Assemblée d’une motion de défense de l’exception préparée avec les réalisateurs présents et les organisations professionnelles européennes et internationales mobilisées à Cannes. Ce texte, adopté à l’unanimité, a été confié à Mme Doris PACK, présidente de la Commission culturelle du Parlement européen et aux parlementaires présents.
C’est l’avenir même de la diversité culturelle qui est en jeu. Une libéralisation des services audiovisuels serait désastreuse : toutes les politiques, tous les soutiens à la création européenne pourraient être gelés ou remis en cause. Pour la première fois, l’Europe renoncerait à défendre l’exception culturelle.
Une pétition lancée par 80 grands cinéastes européens a réuni dans toute l’Europe plus de 5000 signatures de cinéastes, de professionnels de la culture et de citoyens européens qui refusent que les films et les œuvres deviennent des monnaies d’échange dans des négociations commerciales.
Nous, cinéastes, appelons solennellement les députés européens à confirmer par leur vote jeudi prochain au Parlement leur amendement visant à exclure les services audiovisuels et cinématographiques des négociations.
Nous, cinéastes, appelons également les Etats de l’Union européenne à rejeter le mandat de négociation élaboré par la Commission.
Aujourd’hui en Europe, ailleurs demain, nous resterons mobilisés contre toute remise en cause des principes de l’exception culturelle, toute attaque contre la création et les créateurs. »
Avec le soutien des cinéastes / David Cronenberg, Joe Dante, Stephen Frears, Matteo Garrone, Mahamat Saleh Haroun, Naomi Kawase, Joachim Lafosse, Pablo Larrain, Ken Loach, Sergei Loznitsa, Cristian Mungiu, Yousry Nasrallah, Christian Petzold, Nicolas Philibert, Walter Salles, Bertrand Tavernier, Pablo Trapero, Joachim Trier & Andreï Zviaguintsev…
MOTION Assemblée des cinéastes
Cannes, le 18 mai 2013
Réunis à Cannes au théâtre Croisette de la Quinzaine des réalisateurs pour la session inaugurale de l’Assemblée des cinéastes présidée par Costa-Gavras, les réalisateurs présents ont confié à Mme Doris PACK, présidente de la Commission culturelle du Parlement européen et aux parlementaires présents le texte suivant, adopté à l’unanimité :
« Nous, cinéastes réunis en Assemblée au Festival de Cannes, sommes mobilisés pour défendre l’exception culturelle.
Il ya 20 ans, les accords du GATT avaient reconnu la nécessité de protéger les œuvres audiovisuelles et cinématographiques. En 2005, la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’UNESCO a garanti le droit des Etats à défendre et à soutenir la création.
Aujourd’hui, nous constatons que la Commission européenne réfute les principes de cette Convention.
Nous refusons que nos œuvres puissent être concernées par le mandat de négociation commerciale entre l’Europe et les Etats-Unis adopté par la Commission.
Nous demandons expressément que les services audiovisuels et cinématographiques soient exclus des négociations.
C’est l’avenir même de la diversité culturelle qui est en jeu. Une libéralisation des services audiovisuels serait désastreuse : toutes les politiques, tous les soutiens à la création européenne pourraient être gelés ou remis en cause. Pour la première fois, l’Europe renoncerait à défendre l’exception culturelle.
Une pétition lancée par 80 grands cinéastes européens a réuni dans toute l’Europe plus de 5000 signatures de cinéastes, de professionnels de la culture et de citoyens européens qui refusent que les films et les œuvres deviennent des monnaies d’échange dans des négociations commerciales.
Nous, cinéastes, appelons solennellement les députés européens à confirmer par leur vote jeudi prochain au Parlement leur amendement visant à exclure les services audiovisuels et cinématographiques des négociations.
Nous, cinéastes, appelons également les Etats de l’Union européenne à rejeter le mandat de négociation élaboré par la Commission.
Aujourd’hui en Europe, ailleurs demain, nous resterons mobilisés contre toute remise en cause des principes de l’exception culturelle, toute attaque contre la création et les créateurs. »
Cannes, le 18 mai 2013
Coordination: Olivier Jahan ojahan@quinzaine-realisateurs.com // Pauline Durand Vialle pdv@la-srf.f