Chers amis,
Le 17 Juillet paraissait notre lettre ouverte à François Hollande dans le journal Libération. Nous sommes aujourd’hui plus de 900 à avoir signé cet appel et nous vous en remercions.
Nous revenons vers vous aujourd’hui, pour vous tenir au courant des discussions qui ont fait suite à cet appel et vous faire part des dernières informations en notre possession concernant les négociations autour de la convention collective.
Dans cette lettre, nous demandions instamment au Président de la République d’apporter son soutien à la jeune création et à l’ensemble du cinéma d’auteur, dans le cadre des négociations autour de la convention collective du cinéma, qui doit entrer en application le 1er octobre.
Grâce à cet appel, une délégation de signataires a été reçue par le Président, en présence de la Ministre de la Culture et du Ministre du Travail. Nous étions à la fois heureux que la gravité de la situation dans laquelle se trouve notre profession retienne enfin l’attention du Président, et inquiets qu’il ne s’agisse en fait que d’un rendez vous de courtoisie, voire d’affichage.
Suite à ce rendez vous, Mme la Ministre de la Culture a affirmé publiquement que de « nombreuses améliorations » seraient apportées à la convention, notamment “certaines mesures pour préserver les films de la diversité". Engagement renouvelé à l’occasion de l’ouverture du Festival du film francophone d’Angoulême. De son côté, le Président s’est également engagé à nous revoir en septembre.
Le 6 septembre, le Conseil d’Etat, saisi en urgence par les syndicats de producteurs indépendants, a suspendu temporairement l’application de la convention, pour les films à moins de 2,5 M€ et a prononcé un premier avis défavorable sur le fond concernant la représentativité du seul syndicat d’employeurs signataire (l’API : composé d’UGC, Pathé, Gaumont, MK2). Le juge relevant que l’activité déterminante de ces quatre groupes était aujourd’hui la distribution de films et l’exploitation en salles. Le jugement peut prendre 6 à 9 mois. En attendant, Il est possible que les films de moins de 2,5 M€ soient tout de même soumis au cadre d’une commission dérogatoire, dès que celle-ci sera mise en place. Mais nous attendons tous confirmation de cette interprétation par le Conseil d’Etat.
Parallèlement, nous avons obtenu la mise en place d’une commission composée de techniciens, réalisateurs, producteurs, qui réfléchit sous l’égide du CNC à des solutions pour pallier le sous-financement des films de la diversité, commission que le collectif de réalisateurs « Pour sortir de l’impasse » appelait aussi de ses vœux. Nous travaillons à de nombreuses propositions en direction des films les plus fragiles, et notamment des premiers et deuxièmes longs métrages.
Cette semaine, les ultimes négociations entre représentants syndicaux ont lieu. Selon les derniers communiqués de presse des organisations de producteurs indépendants, il semble qu’elles ne débouchent sur aucune avancée : les syndicats de techniciens n’étant prêts à aucun aménagement significatif qui permettrait la préservation des films de la diversité.
Nous sommes donc extrêmement inquiets, en colère, et contraints de penser que le Gouvernement n’a pas exercé son soutien, comme il s’y était engagé. D’autant qu’il n’a pas souhaité honorer notre deuxième rendez-vous de septembre.
Nous avons toujours espéré qu’une convention soit signée, une convention juste, qui revalorise le travail des techniciens et qui préserve le cinéma français dans toute sa richesse. Nous avons voulu croire que cela serait possible, dès lors que le Président s’investissait sur le dossier.
Il est question qu’une proposition en faveur des premiers et deuxièmes films de moins d’1 million d’euros, soit soutenue au cours des dernières négociations. Ces films seraient sortis du cadre de la convention collective. Nous le souhaitons bien sûr, car nous pensons que c’est la seule solution viable, si nous voulons que cette partie de la jeune création, qui a encore fait ses preuves dans les festivals les plus prestigieux cette année, puisse survivre, et se renouveler.
Mais nous craignons aussi que cette mesure soit la seule prise en faveur du cinéma d’auteur, et devienne une forme d’alibi, une mesure de bonne conscience, ce qui nous semblerait constituer une grave défaite pour le cinéma dans son ensemble, et une instrumentalisation de notre parole.
Car nous n’avons pas vocation à ne faire que des premiers ou deuxièmes films à moins d’un million d’euros. Le jeune cinéma français ne doit pas devenir une « réserve d’indiens. » Il doit réussir à trouver progressivement sa place dans l’industrie du cinéma, faire émerger des réalisateurs et des techniciens confirmés, dont le travail s’inscrit et trouve sa force dans la durée.
C’est l’avenir de la profession sur le long terme qui doit être pensé, protégé. C’est l’ensemble du cinéma d’auteur, celui qui participe du rayonnement culturel de notre pays, qui doit être pris en compte dans ces négociations.
La convention collective, si elle est appliquée en l’état, reste extrêmement préoccupante pour l’ensemble du cinéma d’auteur. Le fonctionnement de la commission dérogatoire qui serait mise en place pour les films à moins de 2, 5 millions d’euros reste flou, le principe du « numerus clausus » n’est pas remis en cause. Et, par ailleurs, aucune discussion autour de l’inflation démesurée des budgets que vont entraîner les majorations sur les heures de préparation, de transport, de nuit, n’est aujourd’hui envisagée.
Il nous paraît donc important de rester solidaires d’une vision globale dans les jours à venir. Comme nous l’avions été dans notre première lettre. La seule convention possible est une convention juste, qui soutienne notre cinématographie dans son ensemble, comme l’ensemble des professionnels qui la fabriquent.
Il serait révoltant que le cinéma français dans ce qu’il a de plus innovant, de plus singulier, soit soumis à la loi des plus forts (UGC, Gaumont, MK2, Pathé), alors même que le Conseil d’Etat met désormais sérieusement en doute la représentativité de l’API dans ce dossier.
Bien à vous,
Collectif jeunes réalisateurs, jeunes techniciens.
Parmi nous : Guilhem Amesland, assistant réalisateur ; Samuel Aïchoun, mixeur ; Nicolas Engel, réalisateur ; Emmanuel Bonnat, ingénieur du son ; Guillaume Brac, réalisateur ; Samuel Collardey, réalisateur ; Fréderic Farrucci, réalisateur ; Tom Harari, chef opérateur ; Héléna Klotz, réalisatrice ; Damien Maestraggi, monteur ; Thomas Marchand, monteur ; Xabi Molia, réalisateur ; Anna Novion, réalisatrice ; Antonin Peretjatko, réalisateur ; Thierry de Peretty, réalisateur ; Katell Quillévéré, réalisatrice ; Céline Sciamma, réalisatrice ; Anne Souriau, monteuse ; Justine Triet, réalisatrice ; Rebecca Zlotowsky, réalisatrice ....
Lettre d'information aux signataires de la pétition "Changer de destin".
Lettre ouverte
30/09/2013