LE SERVICE PUBLIC DE L'AUDIOVISUEL : UN ENJEU CULTUREL ET POLITIQUE

Communiqué de presse
11/05/2019

Le service public de l’audiovisuel est aujourd’hui questionné par les pouvoirs publics : offre, modèle, financement, autant d’aspects intimement liés. Alors qu’on passe encore plus de 3h30 en moyenne par jour devant son poste de télévision, il est au cœur de notre paysage audiovisuel. La mutation des usages vers le numérique lui donne un rôle essentiel notamment au regard de la jeunesse et des inégalités sociales liées à la multiplicité des services payants par abonnement.

Sa responsabilité est donc immense. Que donne-t-on à voir ? Quel miroir de la société donne-t-on à ceux qui la composent ? Si notre seule obsession, en tant que cinéastes, était le nombre d’entrées en salles, nous ferions de mauvais films. Si la préoccupation du service public devient l’audience, il ne remplit pas sa mission. Nous n’apportons rien au public sans courage et sans audace. 

 

L’enjeu est culturel, les questions sont politiques. Le cinéma doit rester au cœur de la ligne éditoriale et des investissements de France Télévisions. 

 

Le groupe ne construira pas une ligne éditoriale forte et singulière sans maintenir un investissement annuel d’au moins 60 millions d’euros dans au moins 60 longs-métrages. Cet atout du cinéma doit être unique en son genre, par des choix alternatifs et risqués. Les décisions d’investissements doivent continuer à être différenciées selon les deux filiales (France 2 et France 3 Cinéma). Elles doivent émaner de regards engagés, et non diluées dans des commissions : à force d’être expert, on perd ses paris ; à force de chercher le consensus, on passe inaperçu. 

 

France Télévisions sait s’engager sur des films importants, des œuvres qui éveillent les consciences sans complaisance. Pour un.e cinéaste, l’engagement de France télévisions sur un film, c’est la certitude qu’il se fera, et la promesse qu’il rencontrera un large public. 

 

Mais comment réussir ce pari, en faisant l’impasse sur la diffusion des œuvres ? Comment espérer toucher les téléspectateurs quand la plupart des films sont montrés en deuxième ou troisième partie de soirée ?

 

Par ailleurs, on ne peut penser la diffusion sans éditorialisation. L’offre d’émissions consacrées au cinéma est remarquablement faible, alors que la majorité des spectateurs le déplore (enquête IFOP 2018). Alors que la radio a multiplié ses propositions avec succès, la télévision fait bien peu de place à la cinéphilie. Si le service public ne rattrape pas ce retard, qui proposera au plus grand nombre le débat critique que les films ne cessent d’éveiller? 

 

Ces constats sont d’autant plus vrais, ces appels d’autant plus pressants à l’heure de la suppression de France 4 (et donc d’une des rares cases cinéma de prime time !) et de la bascule vers le délinéaire. 

Pour donner toute leur place et leur valeur aux films, il faut certes leur donner une meilleure exposition en linéaire mais aussi les proposer en télévision de rattrapage sur 7 jours, comme le fait Arte, et comme c’est déjà le cas pour tous les autres programmes. Il est aussi temps de se libérer du système des « jours interdits » pour le cinéma qui n’a plus lieu d’être aujourd’hui. Il est enfin temps de renouveler un accord avec les organisations du cinéma, en reprenant des discussions interrompues depuis trop longtemps, et de finaliser celles sur les droits d’auteur sans fragiliser les créateurs.

 

C’est aussi parce qu’on leur demande indépendance et exigence ; parce qu’ils doivent proposer le plus enrichissant au plus grand nombre, que les services publics doivent être soutenus. Pour cela, tous les grands pays européens ont fait le choix d’une ressource pérenne et affectée. En France, la menace de la suppression de la redevance est d’une grave inconséquence, à contre-courant de toute forme d’ambition pour une offre de qualité et de toute politique de démocratisation de la culture. 

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