
Communiqué
21 février 2025
Le cinéma perd un maître, et le monde une conscience lumineuse et inflexible. Souleymane Cissé s’est éteint à Bamako mercredi dernier, laissant derrière lui une œuvre qui traverse les générations.
De Den Muso (1975) à Baara (1978), de Finye (1982) à Yeelen (1987), il a filmé les dynamiques de pouvoir, les luttes sociales, la jeunesse en quête d’avenir et les visages du réel avec une précision d’orfèvre. Son cinéma, ancré dans la matière du monde, était aussi une porte ouverte vers le sacré dépouillé du monothéisme.
Cinéaste de la rigueur et de l’exigence, il n’a jamais dévié de son engagement : rendre au cinéma sa place et sa force, lutter contre l’invisibilisation et l’oubli. Lorsqu’en 2023 nous lui avons remis le Carrosse d’Or à Cannes, il avait tenu un discours extrêmement fort sur le rôle du cinéma dans l’Histoire, sur la nécessité de transmettre, de résister. Il avait dédié son prix à sa mère et à la jeunesse, rappelant que le cinéma est un acte de mémoire, un outil contre l’effacement. Avec la fermeté qui le caractérisait, il dénonçait aussi le mépris de l’occident envers les films de son continent, refusant que l’histoire du cinéma s’écrive dans l’ignorance de ces œuvres et de la tonalité singulière qu’elles apportent au chant du monde. Espérons que distributeurs et éditeurs sauront faire en sorte que la beauté de son cinéma soit offerte dans toute sa splendeur aux générations présentes et à venir.
Formé au VGIK de Moscou, il s’inscrivait dans une lignée cinématographique où l’éthique du regard et la responsabilité de l’artiste primaient sur tout. Dans le très beau portrait que lui a consacré Rithy Panh (Cinéma de notre temps – Souleymane Cissé, 1991), il disait :
"Quand tu fais un film, la difficulté, c’est qu’il doit commencer et finir, comme l’histoire d’un être humain qui est passé par différentes étapes : son enfance, son adolescence, sa vieillesse et sa mort. Pour les Bambaras, il n’y a pas de séparation réelle entre la vie et la mort, qui s’imbriquent comme des écailles : on en soulève une, les autres suivent. Les choses sont ainsi et le demeureront. Il faut faire des images qui existent longtemps dans la mémoire et revivent dans les yeux, dans le cœur et dans l’esprit. Telle doit être l’image."
Après Waati (1995), coproduction ambitieuse qui lui a permis d’explorer l’histoire du continent dans une ample fresque panafricaine, il aurait pu choisir la facilité, les compromis. Il a préféré l’indépendance. Contre vents et marées, avec une détermination inébranlable, il a continué à faire des films, libre et autonome, refusant que les moyens dictent la nécessité de créer.
Souleymane Cissé, c’était aussi cette silhouette en marche, en mouvement vif et permanent, partout pénétrée de vie, dont la générosité, l’amour s’alimentent à un foyer secret. C’était plus qu’un auteur, c'était un bureau de production, peuplé de nos mondes, en devenir.
Alors non, Souleymane, tu n’es pas mort. Pas pour nous. Ton cinéma continue de s’imprimer sur nos rétines, de résonner dans nos nuits, de s’infiltrer dans nos silences.
Les obsèques ont lieu ce vendredi 21 février à 10 heures à Niaréla, derrière l’ambassade de Russie de Bamako.
La Société des réalisatrices et réalisateurs de films
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