Bertrand Tavernier, « the quiet man »

Communiqué de presse
29/03/2021

Communiqué de presse 
Le 29 mars 2021

 

Bertrand Tavernier, « the quiet man »

 

« … et comme physiquement, il était plutôt intimidant avec cet œil unique qui paraissait vous regarder à l’intérieur de vous-même… » (B.T., sur John Ford)


C’est avec une grande tristesse que la SRF a appris la disparition de Bertrand Tavernier.

Il représentait une figure chère pour nous, celle du cinéaste-grand cinéphile dont on ne sait pas si l’idée qui préside à la création des films est d'abord une idée de cinéma ou une idée de sujet - et en ces temps où la tyrannie du « sujet » semble terrasser tous les projets qui ne reposent que sur « les chevilles cristallines de l’art » (Proust), c’est précieux.

Il fut un cinéaste aux deux chevilles donc, ou plutôt aux deux jambes, l’une française, l’autre américaine. Être un cinéaste français, c’est s’attaquer aux sujets propres à son pays, ancrés dans une topographie provinciale précise (Lyon pour L’Horloger de Saint-Paul), dans une sociologie stylisée par la série B (L’Appât), ressortissant à la manière panthéiste du patron Renoir (Un dimanche à la campagne) ou à des noeuds ténébreux de la grande Histoire (Capitaine Conan, La Vie et rien d’autre). C’est aussi s’attacher à des acteurs « typiques » (Philippe Noiret et ses manières matoises, Sabine Azéma abeille piquante et dame cinglante).

Le goût des grands sujets nationaux s’accompagnait chez lui d’une promotion, a contrario, des « marginaux » de la culture étrangère chez qui se logent violence, rébellion ou art oublié : adapter Jim Thompson (Coup de torchon), filmer le jazz comme une musique définitivement anti establishment (Autour de Minuit), ou encore reprendre en un geste purement amoureux le projet d’un cinéaste oublié (La Fille de D’Artagnan et Riccardo Freda). Films très français et cinéphilie pourtant très américaine, un faux paradoxe que les cinéphiles des générations cinquante et soixante surent résoudre et dont il est l’un des derniers représentants.

 « … Je ne revois pas mes films. En fait, j’aime mieux me pencher sur le passé des autres que sur le mien. Et regarder l’avenir : alors, mes doutes se dissipent. » Du très précieux Dictionnaire du cinéma américain où le pointillisme des analyses s’accompagne d’une étonnante souplesse des goûts (ainsi le fameux et unique exercice de « réévaluation » d’une oeuvre) au magnifique Amis Américains, son œuvre de critique de cinéma maintenue active alors même qu’il était devenu cinéaste révèle que faire des films, c’est peut-être juste un fabuleux prétexte pour rendre hommage à ceux que l’on a passionnément aimés – comme un dialogue secret entre metteurs en scène.

Humilité et obsession du cinéaste-cinéphile : pensons au comte de Chabannes (Lambert Wilson) dans La Princesse de Montpensier qui, en retrait derrière les jeunes premiers bondissants de l’histoire avides de gloire facile, sut gagner l’estime de la princesse par sa fidélité et sa réserve.
 

La SRF
 

Contact presse : Rosalie Brun /rbrun@la-srf.fr/ 01.44.89.62.58