Communiqué
31 mai 2022
Jean-Louis Comolli
Les cinéastes de la SRF ont appris avec une profonde tristesse la disparition de Jean-Louis Comolli le jeudi 19 mai dernier, à l’âge de 80 ans. Il faisait partie des fondateurs de notre association et en était resté un fidèle compagnon de route.
Jusqu’à son dernier souffle, Jean-Louis Comolli aura défendu le cinéma comme dernier territoire possible de l’utopie, dernier rempart contre la déréalisation du monde. Jusqu’au bout, il aura défendu les salles obscures contre la ruée vers le virtuel et la domination des plates-formes, le grand écran contre sa réduction, qui amenuise la portée critique du cinéma et astreint le visionnage des films à devenir de plus en plus solitaire, de plus en plus distrait.
Né en Algérie en 1941, Comolli découvre le cinéma très tôt grâce à sa mère, qui y emmène chaque semaine ses enfants. En 1958, inscrit à la fac de médecine d’Alger, il fait la connaissance de Jean Narboni, avec qui il se lie instantanément d’amitié. Les deux complices se retrouvent bientôt à Paris et fréquentent assidûment la cinémathèque de la rue d’Ulm. En 1962, âgé de 21 ans, Comolli entre aux Cahiers du cinéma et en devient trois ans plus tard le rédacteur en chef, fonction qu’il partagera avec Narboni jusqu’en 1973.
Après un premier documentaire (Les Deux Marseillaises, 1968), coréalisé avec André S. Labarthe, il tourne un premier long-métrage de fiction (La Cécilia, 1975), un second (L’Ombre rouge, 1981), un troisième... mais c’est dans le champ du documentaire que son œuvre cinématographique va prendre toute son ampleur avec une cinquantaine de films, dont une fameuse saga sur les élections à Marseille ou encore les portraits de nombreux musiciens, cinéastes, écrivains… À l’écart des courants, des modes et du cynisme ambiant, à l’écart surtout des codes télévisuels, ses films sont ceux d’un électron libre, éternel non-aligné, ouvert à tout, curieux de tous, pour qui l’aventure documentaire est la part la plus vivante, la plus libre du cinéma, celle « qui s’efforce de sauver quelque chose de la dignité des hommes et des femmes de ce temps ».
Infatigable pédagogue, il intervient à La Fémis, à l’université Vincennes-Saint-Denis (Paris 8), aux Ateliers Varan, à Barcelone, Bruxelles, Genève, en Italie, en Argentine, au Brésil, nourrit des générations d’étudiants de ses analyses lumineuses, écrit dans Trafic, dans Images Documentaires, devient au fil du temps un théoricien mondialement reconnu, forgeant une éthique de l’image qui s’oppose à la dictature du divertissement à tout prix, au règne de la transparence, du tout-visible dans lequel nous sombrons inexorablement. Mettre en scène ? Résister au désir pulsionnel de tout voir.
Sa pensée est constamment en éveil. Travailleur acharné, il laisse derrière lui de nombreux ouvrages qui forment un ensemble théorique de tout premier ordre sur le geste cinématographique, la place du spectateur et le devenir des images. Le dernier d’entre eux, Jouer le jeu ? (Éditions Verdier) est sorti en librairie le matin même de sa mort.
Jean-Louis Comolli était d’une grande élégance intellectuelle et d’une générosité sans bornes. Il pouvait, à l’issue d’une réunion, d’une projection, d’un cours, entraîner une vingtaine de personnes au restaurant et régaler l’assistance des meilleurs crus.
Depuis quelques semaines, comme la maladie et le manque d’oxygène le contraignaient à rester chez lui, il s’était mis à revoir des westerns - un chaque soir - comme si les immenses plaines du Far West telles que Ford, Anthony Mann ou Howard Hawks les avaient filmées lui permettaient de s’évader un peu…
La Société des réalisateurs de films
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Rosalie Brun - Déléguée Générale - rbrun@la-srf.fr